Mardi 29 novembre

L’analyse

Le directeur de Gallup International livre son analyse de la situation politique d’« interrègne » en Bulgarie

Le président Rossen Plevneliev laisse l’impression d’une certaine réticence à constituer un troisième gouvernement intérimaire, depuis que Roumen Radev, élu il y a deux semaines à la présidence de la République, lui a signifié qu’il ne souhaitait pas partager cette responsabilité avec lui.. A la veille du Conseil consultatif de sécurité nationale convoqué par le président de la République sortant afin de décider de la sortie de la crise politique à la suite de la démission du premier ministre, Parvan Simeonov, directeur exécutif de Gallup International, analyse les scénarios possibles pour le gouvernement de la Bulgarie, alors que la perspective d’un gouvernement intérimaire nommé par le chef de l’Etat actuel paraît s’éloigner : la possibilité que le gouvernement démissionnaire Borissov II poursuive son fonctionnement jusqu’à l’investiture de Roumen Radev et la dissolution de l’Assemblée nationale par ce dernier, ou bien celle liée à la constitution d’un nouveau gouvernement par les partis politiques dans le cadre de l’actuelle législature du parlement.

Roumen Radev a décliné l’invitation de M. Plevneliev à participer au Conseil consultatif. Il manifeste ainsi à nouveau un refus de s’associer aux responsabilités de M. Plevneliev qui n’est pas illégitime. Dans ce contexte, tout scénario qui puisse garantir aux Bulgares la stabilité dans un contexte international particulièrement mouvementé et la conduite des réformes indispensables serait bon pour le pays, considère le politologue.

On peut noter l’ambition de Kornelia Ninova à renouveler le PSB. Portée par la vague du résultat exceptionnel de M. Radev à la présidentielle, elle a l’opportunité de procéder à une purge générationnelle du parti. L’apparition du général Radev permettra à la nouvelle gauche de redémarrer, comme l’apparition du général Borissov avait permis la constitution d’une nouvelle droite (le GERB). Le contexte extérieur instable favorise l’aspiration à une stabilité intérieure, qui pourrait souder l’élite sous la forme d’une coalition entre le PSB et le GERB. Une telle coalition pourrait s’avérer arithmétiquement la plus stable dans le contexte des déclarations d’Erdoğan, de ses relations avec l’Union européenne et des problèmes avec les réfugiés. Cependant, elle ne garantirait pas à Borissov le poste de premier ministre.

Par ailleurs, l’émeute à Harmanli et les tentatives d’exacerbation du conflit font penser aux premiers mois après la démission du premier gouvernement Borissov qui avaient été marqués par le chaos (contexte d’insécurité, enlèvements). Ce chaos avait créé le sentiment que l’absence de M. Borissov de la scène politique faisait disparaître une garantie de sécurité. M. Parvanov espère tout de même avoir tort de croire que le conflit à Harmanli constitue « un chaos simulé devant permettre aux forces saines de revenir au pouvoir » dans la mesure où un « chaos nécessaire et contrôlé est susceptible d’échapper facilement à tout contrôle ». (Standart)

L’interview

Crise migratoire : les hommes politiques se sont mis à jouer avec les plus grandes peurs de gens

Troud publie un entretien avec le colonel Slavtcho Velkov, expert en lutte contre le terrorisme, dans laquelle il revient sur les émeutes à Harmanli et les relations de l’UE avec la Turquie à l’aune de la crise migratoire.

Des émeutes se produisent très souvent dans des centres d’accueil en Europe ; mais dans le cas de Harmanli il s’agit d’une émeute très bien organisée et planifiée d’avance, selon l’expert. Il évalue l’opération policière comme « adéquate » mais souligne que le fait que 24 policiers aient été blessés montre que ceux qui ont été mobilisés jeudi dernier n’ont pas été très bien formés et préparés pour réagir dans de telles situations. M. Velkov prévient également qu’une éventuelle mort du jeune migrant qui a été hospitalisé à la suite de ses blessures (voir la revue d’hier) pourrait déclencher de graves émeutes dans les centres d’accueil en Bulgarie.

Du point de vue politique, le jeu de certains hommes politiques avec les plus grandes peurs de gens est très dangereux. « Il y a des informations selon lesquelles un parti politique a faussé des faits pour éveiller les peurs des gens à Harmanli et en tirer des dividendes. A part les habitants de la ville qui se sont rassemblés devant le centre lors des émeutes, il y avait également des représentants d’organisations patriotiques, de fans de clubs de football, etc ». Et dans cette situation, le premier ministre est arrivé et a résolu la crise liée aux plus grandes peur des gens en envoyant comme message : « je suis le seul qui peut le faire », commente M. Velkov.

L’expert revient également sur les menaces du président turc [ Ndr : M. Erdoğan a menacé vendredi dernier d’ouvrir les frontières turques pour laisser passer les migrants vers l’Europe, au lendemain du vote du Parlement européen demandant le gel des négociations d’adhésion de son pays à l’UE. M. Erdoğan avait alors déclaré : « Lorsque 50 000 migrants se sont amassés au poste-frontière de Kapıkule [à la frontière turco-bulgare], vous avez commencé à vous demander : que ferons-nous si la Turquie ouvre ses frontières ?. Écoutez-moi bien. Si vous allez plus loin, ces frontières s’ouvriront, mettez-vous bien ça dans la tête ! »]. Cette fois ci il ne s’agit pas de paroles en l’air, selon M. Velkov. « Cet homme peut gérer les flux migratoires sur le territoire de la Turquie et les orienter dans la direction qui lui est utile pour parvenir à ses fins ». Si M. Erdoğan décide de faire ce test, la Bulgarie et la Grèce en seront les principales victimes. Mais la Grèce possède une plus grande capacité pour gérer une telle situation, estime l’expert. Si un flux migratoire de plus de 10 ou 15 000 personnes s’oriente vers la Bulgarie, le pays ne pourra pas faire face. Et M. Erdoğan ne mentionne pas par hasard le chiffre de 50 000, commente l’expert. Il souligne ainsi que la Bulgarie n’a actuellement pas la capacité d’accueillir 20 000 personnes, de leur assurer des repas et une vie normale et de garantir la sécurité. (Troud)

L’influence

L’empreinte russe sur l’économie bulgare, un facteur de dépendance persistant pour le pays

A l’occasion d’une conférence organisée par le Centre pour l’étude de la démocratie (CED, un institut de politique publique basé à Sofia), de nombreux universitaires, experts et diplomates se sont réunis hier matin pour discuter les conclusions d’une analyse co-écrite par le CED, publiée début octobre, et qui fait grand bruit. Sobrement intitulé « The Kremlin Playbook » (Le manuel stratégique du Kremlin), le rapport a pour objectif, comme le précise son sous-titre : « comprendre l’influence de la Russie en Europe centrale et orientale ». De quoi donner délibérément du grain à moudre aux Etats de l’OTAN et de l’Union européenne. A l’ordre du jour de la conférence : une présentation détaillée ainsi qu’une actualisation des données recueillies dans le cadre du rapport.

Comme l’a rappelé Rouslan Stefanov, directeur du programme économique du CED et co-rédacteur de l’étude, celle-ci s’est efforcé de mettre en lumière, au sein de plusieurs Etats d’Europe centrale et orientale, les principaux réseaux et mécanismes par lesquels le Kremlin tend à intensifier son influence depuis la fin des années 2000. Si, dans le cas bulgare, les réseaux d’influence politiques sont étroitement liés aux réseaux économiques, ces derniers demeurent toutefois les plus importants. On en trouve une preuve éloquente : comparée aux quatre autres pays passés au tamis (Hongrie, Lettonie, Serbie, Slovaquie), la Bulgarie affiche l’empreinte économique russe la plus importante [Ndr : variable mesurée en pourcentage du PIB, et calculée par les auteurs en fonction du chiffre d’affaire des compagnies russes, du montant des investissements russes, de l’état de la balance commerciale avec la Russie et du montant des propriétés privées russes]. Une moyenne de près de 22% entre 2004 et 2014, qui, selon le rapport, s’explique principalement par la primauté de Moscou dans le secteur énergétique bulgare.

Pour M. Stefanov, la position dominante de Gazprom (qui assure 97% de la fourniture de gaz, selon l’étude), de Lukoil Neftohim (filiale du géant pétrolier russe homonyme, qui contrôlerait près de 50% du marché pétrolier national et assurait près 25% des recettes fiscales de l’Etat bulgare) ou de Rosatom pour le secteur nucléaire, sont autant de raisons valables pour affronter cet état de fait. D’autant que la Bulgarie, a-t-il rappelé, s’est embourbée pour des raisons strictement politiques dans des grands projets énergétiques non viables (notamment Belene) dont elle continue de payer au prix fort les conséquences aujourd’hui.

Outre cet important levier économique, le rapport fait également état des appuis politiques bulgares dont peut se targuer le Kremlin (Ataka, PSB, ABC, MDL), et que ce dernier serait capable de mobiliser pour peser de tout son poids sur l’agenda politique national. Le GERB, à cet égard, est associé dans le rapport à la ligne plus intransigeante du Bloc réformateur, en tant que défenseur invétéré des valeurs euro-atlantiques. Les positions du Front patriotique, elles, ne sont pas détaillées.

En sa qualité d’animateur de la table ronde consacrée au dit rapport, l’ancien ambassadeur de Bulgarie auprès de la Fédération de Russie (2000-2006) Ilian Vassilev a mis en garde contre « l’habileté » du Kremlin à exploiter les failles du système démocratique libéral afin d’imposer à d’autres pays les logiques propres au « capitalisme oligarchique », telles que pointées par le rapport. Le président du CED Ognian Chentov, lui, a voulu formuler la conclusion suivante : si le Kremlin peut se permettre d’exercer une telle influence aujourd’hui, cela est principalement dû au déficit démocratique chronique en Bulgarie et à l’apathie des dirigeants vis-à-vis de la nécessité d’une réforme en profondeur du système. (http://www.csd.bg)

Rubrique France

La presse bulgare rend largement compte de la victoire de François Fillon au deuxième tour de la primaire de la droite en France.

Dernière modification : 29/11/2016

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