Vendredi 20 mai

La sortie

Après le rejet de son veto par les députés, le Président de la République ignore les appels du Parlement à ne pas saisir la Cour constitutionnelle et annonce qu’il ne se représentera pas

La déclaration de l’intention du président de saisir la Cour constitutionnelle à la suite du renversement par l’Assemblée nationale de son veto sur l’art.14 du Code électoral (voir notre revue du 19 mai) a suscité des réactions acharnées de la part des gouvernants. Plusieurs accusations de différente nature ont été lancées par les partenaires de la coalition au pouvoir.

Le Front patriotique a été le premier à s’attaquer au président. « Je veux bien savoir sur quoi il va exactement saisir la Cour constitutionnelle, sur une loi qui n’a pas encore été promulguée ou sur les éventuels amendements à celle-ci après son entrée en vigueur », a jeté Krassimir Karakatchanov, co-président du Front patriotique. Accusant le président de « courir derrière les élections », il a estimé que « sans le soutien du GERB, le score de celui-ci ne dépassera pas les 2,5% ».

« Le code électoral s’est transformé en champ de bataille de la campagne électorale. Tous s’échauffent pour l’élection, y compris le président. Ce dernier a raté une chance en or de jouer sur le terrain du consensus », a regretté Dimitar Tanev du Bloc réformateur dans une interview à Bulgaria on Air.

Les députés d’ABC, qui n’ont même pas participé au vote sur le veto, ont appelé le président à bien réfléchir avant de saisir la Cour constitutionnelle. Le PSB, également absent au vote, a saisi l’occasion pour constater « la rupture totale entre le président et le GERB », aussitôt démentie par les députés du GERB.

Evitant habilement le thème de l’élection présidentielle, Daniel Kirilov (GERB), président de la commission parlementaire des affaires juridiques, a espéré que « les collègues juristes de la présidence de la République pourront patienter le temps que le nouveau projet d’amendements soit introduit avant de saisir la Cour constitutionnelle afin que celle-ci n’ait pas à ouvrir une procédure qui s’avèrera bientôt infondée ». Cette thèse a également été défendue par Tsvetan Tsvetanov, co-président du GERB, qui a annoncé avoir pu s’entretenir hier avec le président Plevneliev au sujet d’une publication polémique de Kristian Takov, professeur de droit et membre du conseil juridique auprès du président de la République, à l’occasion du rejet du veto présidentiel, qui avait profondément vexé le GERB. La présidence de la République a pris ses distances à l’égard du professeur Takov en soulignant qu’il n’est ni secrétaire, ni conseiller auprès du président.

Interrogés par Sega au sujet de ces réactions, les collaborateurs du président ont réaffirmé son intention de saisir la Cour constitutionnelle dans la mesure où celui-ci ne peut pas savoir quand les nouveaux textes seront déposés au parlement. [Ndt. Selon la législation bulgare, la Cour constitutionnelle peut être saisie à compter de la promulgation de la loi en question sans attendre son entrée en vigueur. La saisine de la Cour et l’ouverture d’une affaire constitutionnelle ne porte pas atteinte aux effets de ladite loi].

Dans ce contexte, hier, quatre composantes du Bloc réformateur, les Démocrates pour une Bulgarie forte (Radan Kanev), le quota civil, le parti populaire Liberté et dignité (Korman Ismaïlov) et l’Union populaire bulgare des agrariens (Nikolaï Nentchev), ont convié Boïko Borissov à des négociations afin d’étudier la possibilité, premièrement, que « les forces de la droite s’unissent au sein d’une majorité à court terme au nom de la prise de décisions géostratégiques importantes jusqu’aux élections législatives anticipées qui ne vont pas tarder » et deuxièmement que ces forces soutiennent la candidature de Rossen Plevneliev pour un deuxième mandat à la présidence de la République.

Tsvetan Tsvetanov n’a pas tardé à riposter en précisant que le GERB mène sa propre politique et désignera son candidat.

Aujourd’hui, à la surprise générale et deux jours seulement après avoir précisé dans un communiqué n’annoncer qu’à la fin de juin sa décision (voir notre revue du 16 mai), le chef de l’Etat a déclaré qu’il ne se présenterait pas pour un deuxième mandat « pour des raisons personnelles ». Sous la forme d’un testament politique publié sur le site de la présidence, M. Plevneliev fait le bilan de son mandat et met en avant les valeurs politiques qui l’ont guidé à la tête de l’Etat.

En annonçant sa décision cinq mois avant la tenue de l’élection présidentielle, il considère agir correctement à l’égard de tous et vise à mettre fin aux spéculations relatives à sa candidature dans la mesure où « je ne suis pas d’accord que des réformes importantes pour l’Etat comme la réforme judiciaire et la loi de lutte contre la corruption cèdent la place aux petits comptes politiques relatives à la prochaine élection. Je ne peux pas accepter non plus que des actes non démocratiques soient légitimés par l’explication confortable de la campagne électorale de la présidentielle en cours ». Le président informe avoir communiqué sa décision au premier ministre « avec qui nous travaillons bien et avons accompli beaucoup ensemble. Nous avons eu la chance avec le premier ministre Borissov et le parti GERB d’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire de la transition, celle des bonnes relations entre le premier ministre, le président et le parti politique ayant désigné ce dernier ».

« Ne pas assumer un deuxième mandat ne signifie pas que je quitte la politique, mais n’attendez pas de moi que je crée un nouveau parti politique ou que je devienne membre d’un parti. Un président reste président jusqu’à la fin de sa vie. Je continuerai à travailler pour plus d’Europe en Bulgarie et pour plus de Bulgarie en Europe. Je peux encore largement contribuer à ce que la Bulgarie soit moderne et démocratique dans une Europe forte et unie où règne la paix ».

En conclusion, le président Plevneliev promet de travailler avec responsabilité et abnégation jusqu’au dernier jour de son mandat, remercie tous ceux qui l’ont soutenu partout et toujours et appelle les hommes politiques à soutenir la réforme judiciaire et la législation de lutte contre la corruption. (tous journaux, mediapool.bg)

La confiance

Daniel Mitov : la Bulgarie est le pays le plus préparé aux flux migratoires

Les médias allemands ont publié des informations basées sur un rapport confidentiel de la police et des services de renseignements à Berlin qui prévient d’une réorientation des flux migratoires vers la Bulgarie. L’information a été tout de suite reprise par les médias bulgares. Selon le rapport intitulé « Du développement de la situation des migrants en Bulgarie », à la suite des mesures prises en mer Egée, les réseaux de trafiquants d’êtres humains ciblent à présent la route de la Turquie vers la Bulgarie et, au-delà, l’Europe occidentale. La police bulgare qui manque de ressources financières et de personnel pourrait être dépassée, au moins pour un certain temps, préviennent les spécialistes en sécurité allemands.

La réponse du ministre bulgare des affaires étrangères est venue rapidement : « Notre pays est davantage prêt à affronter les flux migratoires que tous les autres pays ; à un certain moment il s’est même avéré plus prêt que l’Allemagne ». En visite à Bruxelles pour la réunion des ministres des affaires étrangères de l’OTAN, Daniel Mitov a déclaré que Sofia a demandé que l’UE prépare un « plan B » au cas où la Turquie refuserait d’appliquer l’accord signé avec les pays européens sur la gestion de la crise migratoire (voir notre revue du 21 mars).

Dans le même temps, les conditions dans les centres de réfugiés et le non-respect des droits des demandeurs d’asile en Bulgarie, surtout des mineurs non accompagnés, sont à nouveau critiqués dans le dernier rapport du Comité Helsinki Bulgarie sur la procédure d’octroi de la protection internationale en 2015. Sega parle de conclusions qui démontrent des tendances « scandaleuses ». Selon le rapport, le nombre des mineurs non accompagnés ayant demandé asile en Bulgarie en 2015 a augmenté de 51% par rapport à l’année précédente (1 816 au total). Les principaux pays d’origine sont cette année encore l’Afghanistan (940 enfants), l’Irak (532) et la Syrie (284).

Le problème principal reste le manque de protections suffisantes des droits des intéressés pendant l’instruction de la demande, selon le rapport. Dans 100% des cas suivis par les experts du Comité, l’obligation de présence d’un avocat n’a pas été respectée, ce qui représente une violation de la législation européenne sur la protection internationale, selon le Comité. L’obligation de présence d’une personne chargée de représenter les intérêts des requérants d’asile mineurs non accompagnés ou d’une personne de confiance n’a pas été respectée non plus. Dans beaucoup de cas, il manquait également un travailleur social.

Les enfants n’ont pas été protégés des violences physiques et psychiques ; au lieu d’être regroupés dans des endroits spéciaux qui respectent leurs besoins spécifiques, ils ont été installés avec des adultes célibataires et des cas de maltraitance ont été constatés. A l’exception du centre de Harmanli, les centres d’accueil ont été incapables d’assurer à ces enfants trois repas par jour. (tous journaux, bghelsinki.org, mediapool.bg)

La rivalité

La petite commune de Djebel, terrain d’un premier affrontement entre le MDL et son nouveau rival, DOST

Tous les ans, le 19 mai, Djebel commémore les événements tragiques de 1989 lorsque la population de cette bourgade (3 000 habitants), située non loin de Kardjali, avait opposé la première résistance aux autorités communistes lors de la campagne de remplacement forcé des noms musulmans par des noms slaves (dite « processus de régénération »). Mais la cérémonie hier était aussi la première, depuis 27 ans, à diviser les habitants entre le MDL, qui se veut le parti de la minorité turque, et son nouveau rival, le parti DOST, récemment créé par Lioutvi Mestan et en cours d’enregistrement.

Dans le passé, la cérémonie était organisée par le MDL. Cependant cette année, le maire de Djebel, Bahri Youmer, ayant rallié le parti DOST, a refusé d’autoriser l’événement au motif de risques de troubles à l’ordre public. Après avoir attaqué ce refus en justice et obtenu gain de cause, le MDL s’est vu proposer un endroit à l’entrée de la ville pour se rassembler. Refusant d’obtempérer, les dirigeants du parti ont préféré la grand-place, à côté des soutiens du DOST. Ainsi, quelque dix mille sympathisants des deux partis rivaux se sont retrouvés réunis à l’étroit, divisés par un cordon de deux cents policiers.

Les partisans, déversés par des autocars venant de tous les coins du pays, mais aussi de la Turquie, ont inauguré leurs meetings aux deux bouts de cette place : le DOST devant la mairie, le MDL près de la fontaine élevée à la mémoire des événements du 19 mai.

Lioutvi Mestan, ainsi que l’ambassadeur de Turquie en Bulgarie et les hautes personnalités représentant les citoyens bulgares installés en Turquie qui l’accompagnaient, ont été hués par les soutiens du MDL. Les organisateurs de la manifestation de protestation de 1989 et d’anciens prisonniers politiques, faisant partie du groupe du DOST, se sont trouvés à leur tour conspués. Le seul épargné par les partisans du MDL a été le grand mufti, Moustafa Hadji.

Sadık Yılmaz, vice-président de la Fédération des émigrés balkaniques en Turquie, et Recep Altepe, maire de la métropole de Bursa, ont en vain essayé de prononcer un discours commémoratif. L’ambassadeur de Turquie, ne cachant pas son indignation devant l’atmosphère pénible et les huées, a rappelé que « la Bulgarie reste le meilleur ami de la Turquie » et que les deux pays auraient demain « un avenir et un chemin communs au sein de la famille européenne et de l’OTAN ».

Le rassemblement du MDL, à l’autre bout de la place, a commencé par un message de la part du fondateur de ce parti, Ahmed Dogan, lu par le leader actuel, Moustafa Karadaya. S’époumonnant pour vaincre les décibels des chansons turques venant du meeting du DOST qui venait de se terminer, M. Karadaya a souligné dans son allocution que la stabilité et la sécurité du pays exigeaient qu’on se rende le plus tôt possible aux urnes, les élections législatives anticipées étant le seul moyen de libérer le pays d’une situation où le gouvernement était devenu « l’otage d’une force politique qui cache son impuissance politique derrière un discours de haine ». Aussitôt après, les personnalités officielles du MDL, parmi lesquelles l’eurodéputée Filiz Hiousmenova et Hassan Azis, vice-président du MDL et maire de Kardjali, ont lâché quelques colombes blanches. (tous journaux, rodopi24.blogspot.bg, mediapool.bg,)

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Dernière modification : 24/11/2016

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