Lundi 30 mai

Le tuyau

La visite de Vladimir Poutine en Grèce ouvre à nouveau le jeu pour que la Bulgarie participe à un projet de gazoduc russe

Un mois avant le vote relatif à la prolongation des sanctions de l’Union européenne contre la Russie, Vladimir Poutine s’est rendu en visite officielle en Grèce « qui est parmi les rares Etats membres dont le comportement est amical à l’égard de Moscou ». Sous le prétexte officiel de la célébration du millénaire du monastère russe Saint-Pantéleimon, l’un des vingt monastères orthodoxes du Mont-Athos, le président russe, accompagné de plusieurs ministres, d’un groupe d’hommes d’affaires y compris Alexeï Miller, président du Conseil d’administration de Gazprom, et de 50 journalistes, a fait escale à Athènes pour rencontrer ses vieilles connaissances du parti au pouvoir Syriza, bienveillant à l’égard de la Russie. Une symbolique importante pour le président Poutine, regardé encore d’un mauvais œil par l’Union européenne. Le reste, n’est que business. Le gouvernement grec serait heureux de voir la Russie participer à la prochaine étape de la procédure de privatisation en Grèce, selon Tanos Dokos, directeur de la Fondation grecque pour la politique européenne et internationale (ELIAMEP). Pour sa part, Moscou s’intéresse au port de Thessalonique, à la grande compagnie d’électricité PPC et à la société des chemins de fer grecque. Cependant, l’accent a été mis sur le secteur de l’énergie et l’idée d’un nouvel itinéraire pour le gaz russe devant utiliser l’interconnexion entre la Grèce et l’Italie et passer par des « pays tiers » a été au cœur des débats. Lancée par le président Poutine, la notion de « pays tiers » a été plus tard précisée par son conseiller Iouriï Ouchakov selon qui « un simple coup d’œil sur la carte montre que ça ne peut être que la Bulgarie et la Turquie, la première semblant être à l’heure actuelle un partenaire plus réaliste dans les plans russes. L’idée du « tuyau » serait un moyen élégant pour obtenir la bienveillance des Etats membres de l’UE que celui-ci traverse, en l’occurrence la Bulgarie, la Grèce et l’Italie, afin que ces derniers fassent du lobbying pour que la pression de la part de l’UE sur la Russie diminue.

C’est ainsi que la presse bulgare présente la visite du président russe en Grèce et saisit l’occasion pour démontrer « comment la Russie essaie d’utiliser ses grands projets énergétiques pour sortir de l’isolement » et se demande ce que cela signifie pour la Bulgarie.

« Il y a deux scénarios pour un tel tuyau : l’un est possible, l’autre difficile », a expliqué Tomislav Dontchev dans une interview à la bTV en parlant de l’ « alternative au projet South Stream arrêté » qui serait notamment « le passage d’un tuyau par la mer Noire » sans apporter d’avantage de précisions au sujet des scénarios.

Selon Capital, le seul scénario possible serait que le gazoduc passe par les eaux territoriales de la Crimée. Dans cette hypothèse, le gouvernement bulgare aurait à affirmer qu’il ne serait capable de contrôler le projet que sur son territoire. Une interprétation qui risque d’être mal prise par Bruxelles, dans la mesure où l’Union européenne a imposé un embargo sur toutes les compagnies aériennes effectuant des vols jusqu’à la Crimée. « Le scénario difficile » impliquerait que le gazoduc passe par les eaux territoriales turques comme initialement prévu avant la dégradation des relations entre Ankara et Moscou à la fin de 2015 et le gel du Turkish Stream. Ce conflit ne s’éternisera tout de même pas, surtout dès que la Russie pourra prétendre avoir satisfait à ses engagements en Syrie malgré sa confrontation avec la Turquie. Mais aucune voyante ne se lancerait dans la prévision d’un éventuel dégel de ce projet, ironise Capital.

Dans ce contexte géopolitique exploité par la Russie, il est important de voir comment tente de se positionner la Bulgarie. Les propositions russes constituent-elles pour le gouvernement une possibilité à laquelle la Bulgarie ne devrait a priori pas tourner le dos, sans toutefois contribuer à la réalisation des idées impliquant la Crimée ? Ou bien le gouvernement serait prêt à tout pour accéder à une nouvelle source de transit de livraisons gazières ?

« La réalisation d’un hub gazier implique au moins quatre sources de gaz. Sans un gazoduc par la mer Noire, on ne peut pas parler sérieusement de l’existence d’un tel centre de distribution gazière », affirme Tomislav Dontchev. Il a tout de même précisé que « la construction des interconnexions avec les autres pays voisins ne soulève aucune difficulté et que la concrétisation d’autres projets serait bienvenue ».

Au début de l’année, le premier ministre avait reconnu ainsi qu’il négociait avec le Kremlin sur son projet de Hub gazier : « Les Russes sont très rigoureux car ils espèrent la connexion de deux tuyaux russes de 10 milliards mètres cube au Hub Balkan ». Quelques mois seulement après la constitution du deuxième gouvernement Borissov, en mars 2015, Ivaïlo Kalfin, ancien vice-premier ministre et ministre du travail et de la politique sociale, s’était rendu à Moscou pour étudier la possibilité de la réalisation de nouveaux projets gaziers. Il avait même insisté, selon Capital, pour que la Bulgarie participe au nouveau projet russe et qu’elle assume ensuite les éventuelles objections de la Commission européenne. Il s’était heurté à l’époque à l’opposition de Tomislav Dontchev qui avait insisté pour « voir d’abord avec la Commission européenne et faire ensuite une proposition à Gazprom ».

Miguel Arias Cañete, commissaire européen chargé de l’action pour le climat et de l’énergie, a félicité la Bulgarie la semaine dernière pour le projet du hub gazier, tout en soulignant dans une interview accordée à Capital que « toute source de gaz est bienvenue, pourvu que la diversification des trajets et des fournisseurs prime ».En effet, même si la Commission européenne ne décourage pas la Bulgarie, elle œuvre, d’une part, pour que des connexions avec les pays voisins soient réalisées afin d’assurer des livraisons gazières alternatives et d’autre part, pour que le pays réforme son marché du gaz afin de permettre à d’autres acteurs que Gazprom de s’y positionner, conclut Capital. (tous journaux)

Le plan B

Selon Capital, la Bulgarie se prépare discrètement en cas d’échec de l’accord UE-Turquie sur les migrants

A en croire le premier ministre, la Bulgarie a donné ce week-end l’exemple d’une lutte efficace contre les migrants clandestins. Ce samedi, deux groupes de migrants (de 40 et 56 personnes respectivement) ont franchi la frontière avec la Grèce. Boïko Borissov a souligné que dans un délai de 24 heures, le groupe de 56 Afghans qui s’étaient cachés dans un train de fret a été renvoyé en Grèce. Les autres 40 personnes, des Irakiens et des Syriens, parmi lesquels des enfants, seront accueillis dans le centre de type fermé de Lubimets et, après examen de leurs documents, également renvoyés en Grèce.

M. Borissov a convoqué une réunion d’urgence à Blagoevgrad ce dimanche, à laquelle a participé également la ministre de l’intérieur Roumiana Batchvarova. « Il n’y a pas d’autre pays en Europe qui a su réagir si vite et a pu renvoyer les réfugiés si rapidement », a souligné M. Borissov. Il a remercié les autorités grecques qui ont coopéré avec la Bulgarie. « C’est une des réadmissions les plus rapides qui puisse être imaginée et elle envoie un signal clair aux trafiquants », a ajouté Mme Batchvarova. Selon les autorités bulgares, les trafiquants avaient collecté 200 euros par migrant en leur promettant de les aider à franchir la frontière avec l’ARYM. 

L’hebdomadaire Capital revient de son côté sur les propos de Daniel Mitov qui avait déclaré lors de la dernière réunion des ministres des affaires étrangères de l’OTAN à Bruxelles que Sofia a demandé que l’UE prépare un plan B au cas où la Turquie refuserait d’appliquer l’accord signé avec les pays européens sur la gestion de la crise migratoire (voir nos revues du 21 mars et du 20 mai).

Le motif d’inquiétude de Sofia est la possibilité que Bruxelles ne libéralise pas le régime des visas pour les citoyens turcs fin juin, ce qui produirait de la part d’Ankara des actions de rétorsion. Cela pourrait consister à renforcer la pression sur l’Europe en entrouvrant « les portes » et en laissant « de petits effectifs franchir la frontière » ou en une décision de lever complètement le contrôle sur la frontière, écrit le journal.

Selon l’eurodéputé Iliana Yotova, un « plan B » n’existe pas officiellement pour le moment mais un renforcement du contrôle des ferrys et l’isolement des migrants sur les îles grecques figure parmi les idées envisagées non-officiellement. Un tel scénario ghettoïserait en grande partie la Grèce. Il réorienterait également les flux par les frontières terrestres ce qui est un des pires scénarios pour la Bulgarie, commente le journal. Une autre idée, selon Mme Yotova, est la présence renforcée des forces de l’OTAN aux frontières avec la Turquie et la Grèce. Mais, précise Capital, on voit mal comment une telle opération pourrait être juridiquement règlementée vu qu’il s’agit d’Etats partenaires au sein de l’OTAN et, de plus, vu son caractère policier.

Le protocole bilatéral relatif à l’application de l’accord de renvoi vers la Turquie de tous les migrants en transit, signé au début de ce mois entre Sofia et Ankara devrait entrer en force dès le 1er juin (voir la revue du 9 mai). La façon dont il sera appliqué permettra de voir, selon le journal, si la Turquie est prête à respecter les accords avec l’UE et les Etats membres ou s’il faudrait précipiter la préparation d’un « plan B ». Pour l’instant Sofia continue à suivre sa politique de ne pas énerver inutilement Ankara et de chercher des solutions synchronisées au mieux avec la Turquie. Mais le pays teste de manière discrète la possibilité d’un éventuel plan B. (tous journaux, mediapool.bg, Capital)

L’acquisition

La société Vodstroï 98, réputée proche du député Delian Peevski, s’évapore

L’acquisition projetée de Vodstroï 98 par Hydrostroï, toutes deux grandes entreprises du BTP, fait aujourd’hui la manchette des journaux. Pendant les dernières années, les deux compagnies décrochent ensemble (en consortium) des marchés publics juteux, ce qui explique la surprise provoquée par cette opération dans le secteur de la construction. Capital Daily examine ses tenants et aboutissants.

L’entreprise Hydrostroï, basée à Varna et détenue par Veliko Jelev, ancien chef de la direction de la construction à Varna et directeur de l’agence chargée de l’infrastructure routière à l’époque du gouvernement de Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha (2004-2005), est spécialisée dans les travaux d’alimentation en eau potable et d’assainissement et, depuis récemment, dans la construction de routes. Selon un classement de Capital à paraître très prochainement, elle se classe troisième dans le secteur des travaux publics.

Le même classement accorde la première place à Vodstroï 98 qui cette année a déplacée de leur position de leaders imbattables les entreprises Glavbolgarstroï et Trace. Petite société inconnue il y a encore cinq ou six ans, basée à Sliven, Vodstroï 98 a connu son essor sous le gouvernement Orecharski (PSB et MDL), non sans l’aide bienveillante de la banque KTB. Considérée comme le chouchou du gouvernement actuel grâce à ses liens avec le député MDL Delian Peevski, elle a obtenu des marchés publics à hauteur de près de 900 millions de leva dans le domaine des travaux publics. Rien qu’en 2015, ses recettes (292 millions de leva) ont augmenté de 80% par rapport à l’année précédente. Pour Hydrostroï, une autre favorite des gouvernants, cette hausse a été de 76% (214 millions de leva en 2015).

D’après la thèse officielle, Hydrostroï reprend le leader du secteur Vodstroï 98 en raison de l’expérience de cette dernière dans des projets ferroviaires et gaziers. Mi-sérieux, mi-moqueur, Capital Daily rappelle à ce titre que les projets dans les chemins de fer étaient réalisés en consortium par les deux entreprises et que la seule « expérience » de Vodstroï 98 dans les travaux d’infrastructure gazière était sa participation à la mise en œuvre d’un projet mort-né : South Stream.

Selon le journal, il existe deux hypothèses possibles sur cette cession réalisée dans la foulée des déclarations récentes du député Peevski selon lesquelles il se retire des affaires. D’abord, il se peut que le sujet très sensible des marchés publics (Ndr : notamment le fait que les commandes dans le BTP sont partagées entre cinq ou six grandes entreprises bulgares et l’annulation de nombre de marchés par le premier ministre Borissov, voir nos revues des 10, 16 et 18 février dernier) ait forcé les puissants du jour à opter pour un remaniement fictif visant à préserver le statu quo. Dans cette hypothèse, le nouveau tandem entre Hydrostroï et Vodstroï 98 rappellerait celui entre le député Peevski et la Fibank au sein du PST Group, un autre grand acteur du BTP.

Selon la seconde hypothèse, Vodtrsoï 98 jugé compromis en raison de sa proximité avec le pouvoir, l’oligarchie bulgare serait en train de chercher un nouveau favori, moins exposé, en la personne de Veliko Jelev et de sa société Hydrostroï.

Le repreneur a déjà saisi la Commission pour la protection de la concurrence qui aura un mois pour se prononcer sur l’acquisition. Une assemblée générale d’Hydrostroï est fixée pour le 20 juin afin de nommer un nouveau conseil d’administration. Les paramètres de l’opération n’ont pas été révélés, la seule information disponible indiquant que l’acquéreur reprendra également les dettes de Vodstroï 98 : 46 millions de leva envers la Banque bulgare pour le développement. (Capital Daily)

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Dernière modification : 30/05/2016

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